Jésus-Christ ou rien – 46

Jésus-Christ ou rien – XXXXVI

Bernard Bro

Les dogmes engagent toujours infiniment plus qu’eux. Que sont-ils, sinon les visées de la foi, les orientations par où, quelle que soit notre culture, quelle que soit notre capacité intellectuelle, quels que soient nos instruments de lecture, nous pouvons être sûrs d’atteindre le réel de la foi. Qu’on ne vienne pas nous dire que si l’on défend les dogmes, c’est par prudence ecclésiastique ou par peur du changement. C’est l’inverse. Où est le courage, où est la prudence dans la pensée de l’Eglise d’aujourd’hui? Est-ce de se laisser flotter sur le courant négateur de la mode qui nous fait entendre tout et n’importe quoi: que Dieu est mort; qu’il est inutile et infantile de prier; que le salut et les gestes qui y conduisent, le baptême et la pénitence, sont des réalités secondaires; que l’au-delà est une illusion dont il faut se débarrasser?

Mais, voyons, nous le savons bien, le courage et la véritable avant-garde, c’est au contraire de tenir bon et d’attester paisiblement et heureusement la luimière inépuisable du Credo. Il ne s’agit pas seulement d’aller des dogmes à la foi, mais aussi de la foi aux dogmes, c’est-à-dire de se laisser guider par ces chemins précis où tout homme est sûr de rencontrer autre chose que la résonance de ses illusions déguisées en idées.

C’est vrai, cela suppose que l’on entre dans l’inlassable mendicité de la lumière et que l’on admette que les formules et les représentations sont toujours inadéquates et insatisfaisantes. Mais si les mots et les concepts ne peuvent évidemment pas épuiser le Mystère, ce n’est pas une raison pour nous priver de cette miséricorde suprême offerte à notre esprit: savoir où sont les véritables visées qui le conduisent sûrement au réel.

Alors, pourquoi l’intelligence a-t-elle crainte du réel? Le motif ultime est simple: c’est qu’on voudrait bien que l’intelligence ait le dernier mot. Or, ce ne sont pas les raffinements de l’intelligence qui, finalement, nous feront dépasser les apparences où s’enferme notre esprit, mais la charité et l’espérance…

Bernard Bro, Devenir Dieu / extraits (Cerf, 1978)

image: Pericle Fazzini, La Résurrection – Salle d’audience Paul VI, Vatican (bestglitz.com)

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