Chemins de traverse – 518 / Platon

Platon

Quand les cygnes sentent approcher l’heure de leur mort, ils chantent ce jour-là plus souvent et plus mélodieusement qu’ils ne l’ont jamais fait, parce qu’ils sont joyeux de s’en aller chez le dieu dont ils sont les serviteurs. Mais les hommes, par suite de leur crainte de la mort, vont jusqu’à calomnier les cygnes et disent qu’ils déplorent leur trépas par un chant de tristesse. Ils ne réfléchissent pas qu’aucun oiseau ne chante quand il a faim ou froid ou qu’il est en butte à quelque autre souffrance, non pas même le rossignol, l’hirondelle et la huppe, qui chantent, dit-on, pour lamenter leur douleur. Mais moi, je ne crois pas qu’ils chantent de tristesse, pas plus que les cygnes; je pense, au contraire, qu’étant les oiseaux d’Apollon, ils sont devins et que c’est parce qu’il prévoient les biens dont on jouit dans l’Hadès, qu’ils chantent et se réjouissent ce jour-là plus qu’ils ne l’ont jamais fait pendant leur vie. Or, je me persuade que je suis moi-même attaché au même service que les cygnes, que je suis consacré au même dieu, que je tiens de notre maître un don prophétique qui ne le cède pas au leur, et que je ne suis pas plus chagrin qu’eux de quitter la vie.

Platon, Phédon / extrait (remacle.org)

image: loulou50.easy4blog.com

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