Le poème de la sainte liturgie – 6

Maurice Zundel

La sainte liturgie – VI / Epître

Si Dieu t’appelle, ne dis pas non. Tous les chemins mènent à Lui, toutes Ses voies sont admirables, tous les métiers sont beaux. Parce que l’oeuvre n’est qu’un signe pour l’amour, qui lui donne sa mesure et sa grandeur, sa croissance et sa force. Aime et fais ce que tu voudras. – Tes prières, dis-tu, te rendent témoignage. Tu ne les écourtes, ni ne les presses, tu médites les mystères, tu recherches la Parole, tu exhortes sans relâche. Tu veux sauver le monde entier. Mais si l’on souffre autour de toi, mais si l’on pleure à cause de toi, si le nom de Dieu est blasphémé, ton zèle est sans vertu et tombe sous le coup de l’anathème.

Ceux de ta maison ont-ils leur part de tes aumônes, de tes prières, de ta présence, de ta tendresse? Que valent leurs peines à tes yeux, leur âme, leur salut? – Regarde! A ta porte, ce mendiant, l’enfant sans père, la femme sans appui, l’homme sans Dieu. Voilà ton domaine. – Tu iras plus tard labourer d’autres champs. Descends aujourd’hui dans ta vigne. Fais-lui produire le vin d’amour et d’allégresse, pour étancher cette soif, que nul ne peut dire qui n’en a point senti, au-dedans de lui-même, l’ineffable atteinte.

Tu veux étreindre l’humanité, et tu te détournes de ton prochain. Tu poursuis, au-dehors, la grandeur et la gloire, et tu laisses échapper, à portée de ta main, la grandeur et la gloire des petites choses bien faites, du beau travail. et de l’exemple qui empêche, à jamais,  de s’éteindre la lampe. Et tu méprises cette victoire de la foi qui donne, aux plus humbles réalités, l’éclat des millions de soleils, – qui révèle de toute part le mystère, qui découvre l’infini dans ton coeur.

Mais tu ne sais pas ce que tu portes en toi. Tu portes au loin ta fausse image. Pour la grande oeuvre de l’avenir, tu dissipes le présent. Tu te réserves, dis-tu – et tu remets à d’autres – le soin de recevoir Jésus-Christ. Tu veux prier sur de la beauté, et tu laisses passer tout le jour – sans la voir – la lumière de la face du Seigneur tout-puissant. Tu te mêles aux mystiques, tu aspires aux sept demeures: prends garde de manquer de ce signe, qui discerne, à jamais, de tout ce qui n’est pas elle, la piété véritable.

Que sert-il à un homme de dire qu’il a la foi, s’il n’a pas les oeuvres?… (Jc 2,14)  

Maurice Zundel, Le poème de la sainte liturgie (Ad Solem, 2017)

image: Basilique Notre-Dame, Genève / Suisse (2017)

 

Print Friendly, PDF & Email

Auteur/autrice

Partager sur:

Dernières publications

Prier avec les Psaumes / Psaume 31

Psaume 31 Heureux l’homme dont la faute est enlevée, et le péché remis! Heureux l’homme dont le Seigneur ne retient pas l’offense, dont l’esprit est

Print Friendly, PDF & Email