Morceaux choisis – 1114 / Haïm Korsia

Haïm Korsia

Aujourd’hui, la peur de s’exprimer en dehors des clous et des clichés, liée à celle de bousculer tel ou telle, finit par paralyser la pensée elle-même. Il devient plus rassurant de répéter ce que les perroquets de l’époque médiatique nous imposent que de constater l’évidence et de la dire. Ainsi l’affirmait déjà le Psaume CXV (ndlr. 113b, 5-7): Ils ont des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas, un nez et ne sentent pas. Mais c’est la suite qui est terrible: Ils ont des mains et n’agissent pas, des pieds et ne marchent point. Aucun son n’est produit par leur gosier.

Si nous refusons de voir, d’entendre et de ressentir, nous ne pouvons plus réagir, ni bouger, ni parler. Nous serons prisonniers de notre tragédie du silence et de notre refus obstiné d’observer la vérité en face, de la nommer et de l’affronter, si besoin. La vérité nous brûle les yeux et nous détournons le regard.

Cette terre, il importe de la fertiliser pour qu’elle reste féconde. La continuité dans l’immobilité n’est pas toujours la voie la plus directe vers le salut: on peut ne rien changer pour que tout change, tout changer pour que rien ne change ou encore ne rien changer pour que rien ne change. Toutes ces voies sont des impasses. Celui qui s’installe dans son époque sans mesurer qu’elle ne lui appartient pas, s’enferme derrière les murailles de la certitude pour ne pas être approché par la tentation de la nouveauté.

Où est-elle, cette terre, à quoi ressemble-t-il, cet horizon toujours en mouvement, toujours porteur de promesses qu’il nous faudrait espérer?

Il s’agit toujours d’équilibrer deux mouvements très différents, selon les périodes et les sensibilités, d’allier préservation des identités et mélanges de celles-ci. Le judaïsme en est un très bon exemple, lui qui défend une identité somme toute particulière et absolument ancrée dans une histoire, mais qui s’adapte, se fond, voire se réinvente au sein de toutes les cultures qui l’accueillent. Cette façon de décloisonner les mondes est toujours féconde.

Haïm Korsia, Comme l’espérance est violente / extraits (Flammarion, 2024)

image: Paris, France (2005)

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