Thérèse de Jésus (Thérèse d’Avila)
Pendant que je me tenais en esprit auprès de Jésus-Christ, ou bien au milieu d’une lecture, j’étais saisie soudain d’un vif sentiment de la présence de Dieu. Je ne pouvais alors aucunement douter qu’Il ne soit en moi ou que je ne sois moi-même tout abîmée en Lui. Ce n’est pas là une vision; c’est ce qu’on appelle, je crois, théologie mystique. L’âme est alors suspendue, au point qu’elle semble tout entière hors d’elle-même. La volonté aime. La mémoire me semble presque perdue. L’entendement cesse de discourir, mais, à mon avis, il ne se perd pas; seulement, je le répète, il n’agit pas: il reste comme stupéfait de tout ce qu’il conçoit. Dieu, en effet, veut qu’il comprenne alors qu’il ne comprend rien de ce que sa Majesté lui représente.
Auparavant j’avais ressenti, d’une manière continue, une tendresse de dévotion qui est en partie, me semble-t-il, le résultat de nos efforts; c’est une délectation qui n’est ni entièrement sensible, ni entièrement spirituelle. Il est clair que tout nous vient de Dieu. En cela, cependant, nous pouvons, je crois, nous aider beaucoup nous-mêmes, soit en considérant notre bassesse, notre ingratitude envers Dieu, les bienfaits dont Il nous a comblés, la passion douloureuse de Jésus-Christ et Sa vie si amère, soit en nous réjouissant des oeuvres du Seigneur, de Ses grandeurs, de Son tendre amour pour nous, sans parler de bien d’autres réflexions qui se présentent d’elles-mêmes quand on a le souci de son avancement spirituel.
Sainte Thérèse d’Avila, Livre de la vie, dans: Charles Journet, Entretiens sur Dieu le Père (Parole et Silence, 1998)