Georges Bernanos
Chacun de nous – ah! puissiez-vous retenir ces paroles d’un vieil ami! – est tour à tour, de quelque manière, un criminel ou un saint, tantôt porté vers le bien, non par une judicieuse approximation de ses avantages, mais clairement et singulièrement par un élan de tout l’être, une effusion d’amour qui fait de la souffrance et du renoncement l’objet même du désir, tantôt tourmenté du goût mystérieux de l’avilissement, de la délectation au goût de cendre, le vertige de l’animalité, son incompréhensible nostalgie. Hé! Qu’importe l’expérience accumulée depuis des siècles, de la vie morale. Qu’importe l’exemple de tant de misérables pécheurs, et de leur détresse! Oui, mon enfant, souvenez-vous. Le mal, comme le bien, est aimé pour lui-même, et servi.
Georges Bernanos, Sous le soleil de Satan (coll. Livre de Poche/LGF, 2012)