Elias Chacour
La connaissance de l’araméen, la langue de Jésus, m’a beaucoup aidé dans la compréhension de Ses enseignements. Comme la Bible telle que nous la connaissons est la traduction d’une traduction, nous ne la comprenons pas toujours correctement. Par exemple, nous avons coutume de comprendre les Béatitudes (Mt 5, 1-12) dans un sens passif: Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Heureux les coeurs purs, car ils verront Dieu. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux est la traduction du mot makarioi, utilisé dans le Nouveau Testament grec. Cependant, quand j’approfondis le sens de ce mot en me rapportant à l’araméen de Jésus, je découvre que le terme original est ashray, du verbe yashar. Ashray n’a pas du tout ce sens passif que nous lui donnons. Il signifie plutôt: se placer dans la bonne direction en vue d’atteindre le but juste; changer de direction, se repentir; devenir droit ou juste.
Lorsque je comprends les paroles de Jésus en araméen, je traduis le texte de la façon suivante: Levez-vous, en marche, faites quelque chose, remuez-vous, vous qui avez faim et soif de justice, car vous obtiendrez satisfaction. Levez-vous, en marche, faites quelque chose, remuez-vous, vous qui êtes des artisans de paix, car vous serez appelés fils de Dieu.
Pour moi, cette traduction rend les paroles et les enseignements de Jésus de façon plus fidèle. Je peux L’entendre dire: Allez-y! salissez vos mains et construisez une société humaine pour des êtres humains; autrement, les autres tortureront et assassineront les pauvres, ceux qui n’ont pas d’audience, pas de pouvoir. Le christianisme n’est pas passif, mais actif, énergique, vivant. Il espère contre toute espérance.
Levez-vous, en marche, faites quelque chose, remuez-vous, disait Jésus à ses disciples.
Elias Chacour & Mary E. Jensen, Nous appartenons à la terre (Desclée de Brouwer, 1989)
