Rainer-Maria Rilke
Fais de moi le gardien de tes espaces,
fais de moi le veilleur sur son rocher,
donne-moi des yeux que j’embrasse
la solitude de tes mers;
laisse-moi suivre le cours des fleuves,
m’éloigner avec eux des cris des rives
et m’enfoncer dans la rumeur nocturne.
Envoie-moi dans tes pays déserts
que traversent les immense vents,
où se dressent de vastes monastères
comme coules jetées sur des vies invécues.
Là-bas, je me joindrai aux pèlerins
et je veux que de leur voix, de leur stature,
nulle illusion ne me sépare plus;
et derrière un vieillard aveugle,
j’irai ce chemin que nul ne connaît.
Rainer-Maria Rilke, Le Livre d’heures, dans: Oeuvres poétiques et théâtrales (Bibliothèque de la Pléiade/Galllimard, 1997)