René Char
N’égraine pas le tournesol,
Tes cyprès auraient de la peine,
Chardonneret, reprends ton vol
Et reviens à ton nid de laine.
Tu n’es pas un caillou du ciel
  Pour que le vent te tienne quitte.
  Oiseau rural; l’arc-en-ciel
  S’unifie dans la marguerite.
L’homme fusille, cache-toi;
  Le tournesol est son complice.
  Seules les herbes sont pour toi,
  Les herbes des champs qui se plissent.
Le serpent ne te connaît pas.
  Et la sauterelle est bougonne;
  La taupe, elle, n’y voit pas;
  Le papillon ne hait personne.
Il est midi, chardonneret.
  Le séneçon est là qui brille.
  Attarde-toi, va, sans danger:
  L’homme est rentré dans sa famille!
L’écho de ce pays est sûr.
  J’observe, je suis bon prophète;
  Je vois tout de mon petit mur,
  Même tituber la chouette.
Qui, mieux qu’un lézard amoureux,
  Peut dire les secrets terrestres?
  O léger gentil roi des cieux,
  Que n’as-tu ton nid dans ma pierre!
René Char, Complainte du lézard amoureux – Le soleil des eaux, dans: Oeuvres complètes ((Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1983)
				
															
                    


