L’écharde dans la chair – 18

Jean-François Noel

Eloge de la sainteté ordinaire – XVIII

Il est dommage que le culte des saints ait été l’objet de tant de querelles entre les différentes Eglises chrétiennes. La mèche fume encore. Toutes nos prières, même mâtinées de superstition, recèlent une authentique attente. Je me méfie de l’orgueil qui consisterait à se vouloir au-dessus d’une telle pratique. Il suffit d’ailleurs d’avoir été une seule fois dans une vraie situation de détresse pour savoir à quel point on est prêt à tout pour en sortir.

Ne plus savoir à quel saint se vouer prouve que c’est bien vers eux qu’il faut se tourner. Si je prie, si je supplie, et suis prêt, au risque d’être ridicule, à implorer les saints des causes désespérées, c’est que je mets tout mon espoir en une proximité, et ressens l’urgence d’une bienveillance. Que cesse pour un instant ce silence trop pesant du ciel. Qu’une autre chair humaine vienne réchauffer la mienne. C’est la sensation de l’abandon qui est la plus terrible. Non seulement, elle rejoint mes pires angoisses, les plus archaïques, les plus inguérissables, mais surtout elle me fragilise. Et elle m’expose au mal. Et me tourner vers les saints, c’est déjà – même maladroitement – dire mon désaccord avec le mal qui m’entraîne. Et comme le saint est celui qui a résisté jusqu’au sang, je m’approche pour humer le goût de la victoire.

Je veux être compté parmi eux comme celui aussi par qui le mal ne passera pas.

Jean-François Noel, L’écharde dans la chair – Eloge de la sainteté ordinaire (Desclée de Brouwer, 2011)

image: Duccio di Buoninsegna, La transfiguration (nationalgallery.org.uk)

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