Chemins de traverse – 755 / Fiodor Dostoïevski

Fiodor Dostoïevski

A présent, chacun aspire à séparer sa personnalité des autres, chacun veut goûter lui-même la plénitude de la vie; cependant, loin d’atteindre le but, tous les efforts des hommes n’aboutissent qu’à un suicide total, car, au lieu d’affirmer pleinement leur personnalité, ils tombent dans une solitude complète. Chacun s’isole dans son trou, s’écarte des autres, se cache, lui et son bien, s’éloigne de ses semblables et les éloigne de lui. Il amasse de la richesse tout seul, se félicite de sa puissance, de son opulence; il ignore, l’insensé, que plus il amasse plus il s’enlise dans une impuissance fatale. Car il est habitué à ne compter que sur lui-même et s’est détaché de la collectivité; il s’est accoutumé à ne pas croire à l’entraide, à son prochain, à l’humanité et tremble seulement à l’idée de perdre sa fortune et les droits qu’elle lui confère. Partout, de nos jours, l’esprit humain commence ridiculement à perdre de vue que la véritable garantie de l’individu consiste, non dans son effort personnel isolé, mais dans la solidarité.

Fiodor Dostoïevski, Les frères Karamazov, suivi de : Les carnets des Frères Karamazov et Niétotchka Niézvanov (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 2005)

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