Chemins de traverse – 179 / Fiodor Dostoïevski

Fiodor Dostoïevski

Cette malheureuse femme est profondément convaincue qu’elle est la créature la plus déchue et la plus perverse qui soit au monde. Oh! ne lui faites pas honte, ne lui jetez pas la pierre! Elle ne s’est que trop torturée elle-même par le sentiment de son infamie imméritée! Et en quoi est-elle coupable, grands dieux? Dans ses accès d’exaltation, elle crie sans cesse qu’elle ne se reconnaît aucune faute, qu’elle est la victime des hommes, la victime d’un débauché et d’un scélérat. Mais quoiqu’elle vous déclare, sachez qu’elle est la première à ne pas croire à ce qu’elle dit; au contraire, en toute conscience, c’est… elle-même qu’elle accuse. Quand je m’efforçais de dissiper ces ténèbres, elle éprouvait de telles souffrances que jamais mon coeur ne guérira tant qu’il gardera le souvenir de ces atroces moments. J’ai la sensation qu’on m’a percé le coeur une fois pour toujours.

Fiodor Dostoïevski, L’Idiot, suivi de: Humiliés et Offensés (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1977)

image: Setsuko Hara – L’idiot / Akira Kurosawa, 1951 (kebekmac.blogspot.com)

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