Jésus-Christ ou rien – XVIII
Bernard Bro
Le méditation sur le mal rencontre inévitablement ce moment où la négation de Dieu apparaît comme la possibilité la plus prochaine. L’intelligence du mal conduit à l’athéisme. Et il nous faut appeler cette rencontre par son nom: la révolte. S’il y a en face du mal plusieurs tentations, nous pressentons qu’il ne reste finalement que deux solutions réelles: suivre le Christ sur le chemin de la miséricorde et de l’adoration dans une confiance crucifiée, ou bien se révolter. Si l’on refuse l’attitude chrétienne, la seule solution qui semble alors mobiliser toutes les énergies d’un homme, absolument la seule, c’est la révolte.
Eh bien, nous n’avons pas le droit d’éluder cette révolte et ce blasphème. Il est impossible devant la clameur partout présente aujourd’hui de ne pas entendre. Regardez tous les systèmes d’idées qui entourent le christianisme. Ils nous le disent depuis plus de cent ans; et ce n’est pas seulement de désespoir qu’il s’agit. Entendez le cri de tous ceux qui sont prêts à condamner Dieu s’il avait le malheur d’exister. Oui, pour tant d’hommes de notre temps, Dieu a intérêt à ne pas exister. Or je proclame ici que, nous chrétiens, nous n’avons pas le droit de ne pas écouter.
En effet, d’une certaine façon, en face du mal il est impossible de ne pas se révolter. Il y a une bonne révolte. Il y a un certain refus qui est béni de Dieu: ainsi les cris de révolte de Job. L’angoisse du mal est cette porte étroite par laquelle il faut s’efforcer d’entrer. Angoisse qui résiste, on l’a vu, à toutes les formes d’apaisement ou de fuite. Un moment trompée, assoupie ou interdite, notre angoisse rebondit, invaincue. Et ce feu que les grandes eaux de la raison n’ont pu éteindre, nous savons qu’il brûle. Il nous faut apprendre en outre qu’il peut détruire ou faire vivre.
Cette angoisse, un jour pour chacun de nous, prend la forme d’une question qui devient la fine pointe du problème du mal et dont le nom est la révolte.
Bernard Bro, Le pouvoir du mal / extraits (Cerf, 1976)
image: Pericle Fazzini, La Résurrection – Salle d’audience Paul VI, Vatican (bestglitz.com)
