Morceaux choisis – 975 / Jean-Christian Lévêque

Jean-Christian Lévêque

Beaucoup de chrétiens se tournent aujourd’hui vers Thérèse de Lisieux comme vers une maîtresse de vie évangélique. Pourquoi cette attirance? Ce qui fascine d’abord chez Thérèse, c’est qu’elle a pris au sérieux l’amour de Dieu: elle a tout bâti sur la certitude d’être aimée. Et ce qu’on appelle sa petite voie, la voie de l’enfance spirituelle, c’est avant tout l’audace de ceux qui se savent aimés. Pourquoi l’enfant est-il heureux? Pourquoi vit-il dans une paix que jamais aucun adulte ne peut revivre? Parce qu’il se sent aimé, parce qu’il se sait aimé et qu’il trouve cela normal. 

Thérèse a trouvé normal que Dieu l’aime, que Dieu continue à l’aimer malgré ses misères, tout simplement parce que Dieu est amour, et qu’Il ne peut aimer à moitié ou pour une moitié de vie. Cet amour de Dieu, elle l’a trouvé à la fois merveilleux et doucement exigeant. L’urgence de l’amour, voilà sans doute un deuxième trait qui rend si lumineuse pour le chrétien d’aujourd’hui l’expérience spirituelle de Thérèse. Entendons bien: non pas un amour reposant, sécurisant, trop facile, purement affectif ou velléitaire, mais un amour qui se veut sans cesse en état d’accueil et de réponse, qui résume, en intensité, toutes les vocations, un amour prouvé dans le quotidien, qui réalise, dans le cadre réel et étroit d’une existence humaine, le projet universel de Dieu.

Dieu sait pourtant quelles difficultés Thérèse a dû affronter. Rien de ce qui fait le poids de nos vies et la croix de la vie commune ne lui a été épargné. Elle a vu lentement ses forces disparaître et tout son être extérieur se défaire. Non seulement il lui a fallu assumer des souffrances physiques qui auraient suffi à l’abattre, mais jusqu’au bout elle a connu dans sa propre communauté des raideurs, des blocages et des incompréhensions qui auraient pu la murer dans une solitude douloureuse. Elle a senti autour d’elle les réactions mêlées des sœurs, dont certaines ne la comprenaient pas totalement. Mais Thérèse, parce qu’elle s’était donnée à l’amour, parce qu’elle avait tout misé sur l’amour de Dieu, a pu demeurer jusqu’au bout dans l’espérance. On obtient de Dieu autant qu’on espère de Lui. Dieu nous fait désirer ce qu’Il veut nous donner, et les grands désirs n’ont jamais fléchi dans le cœur de Thérèse.

Elle écrivait, un an avant sa mort: Jésus, je suis trop petite pour faire de grandes choses, et ma folie à moi, c’est d’espérer! Espérer quoi? Que Ton amour m’accepte. C’est bien là tout le message de Jésus dans l’Evangile: un appel à une confiance courageuse en Celui qui peut tout et qui aime dépasser notre attente.

Jean-Christian Lévêque, Fête de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus / extrait – 1 octobre 2006 (carmel.asso.fr)

image: Eglise Sainte Thérèse, Genève (2021)

Print Friendly, PDF & Email

Auteur/autrice

Partager sur:

Dernières publications