Morceaux choisis – 554 / François Mauriac

François Mauriac

En ce siècle où finit de mourir la pudeur, fille du Christ, le petit troupeau de ceux qui persévèrent dans la foi, qui sont assidus à prendre part ensemble à la fraction du pain, se resserre autour de la table et de la lampe. La marée de l’Esprit, en se retirant, laisse à découvert des systèmes désurnaturalisés où les intelligences tournent à vide.

Le petit troupeau de ceux qui ont persévéré retrouve la joie des premiers disciples: la joie anxieuse de détenir un secret. Ce reste de lueur encore diffuse à travers les institutions et les moeurs, pâlit, s’éteint. Et pourtant rien n’a prévalu contre la source de la lumière. O force intacte! Refoulée de partout, elle se concentre dans les âmes, les investit, les violente. Le monde est plein de ces retours de flammes que l’on ne connaît pas. Il n’y a pas de grande presse pour les événements de l’ordre spirituel. La véritable histoire n’est pas racontée.

Il n’empêche que le chrétien d’aujourd’hui est anxieux de sa solitude. Même aux époques de la foi, ces larmes des saints parce que l’amour n’est pas aimé. Ce tabernacle abandonné à tous les carrefours du monde. L’inimaginable délaissement de Dieu.

François Mauriac, Souffrances et bonheur du chrétien, dans: Oeuvres autobiographiques (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1990)

image: Basilica di san Paolo fuori le Mura, Roma / Italia (immareli.altervista.org)

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