Morceaux choisis – 532 / Bernard de Clairvaux

Bernard de Clairvaux

Pour nous qui avons toujours besoin de tailler notre vigne, le temps est toujours venu de le faire. Car je veux croire que notre hiver est passé. Vous savez de quel hiver je parle: de cette crainte qui, dénuée de charité, initie tout le monde à la sagesse, sans mener personne à la perfection, et que la venue de l’amour chasse, comme l’été chasse l’hiver. Car l’été, c’est l’amour: s’il est venu, il faut qu’il ait séché les pluies de l’hiver, c’est-à-dire ces larmes d’angoisse que vous arrachaient l’amer souvenir de vos péchés et la crainte du jugement. Aussi dirai-je avec certitude que pour la plupart d’entre vous, sinon pour tous, ces pluies ont déjà cessé; et les fleurs sont apparues, présages d’une pluie plus douce. Qu’y a-t-il, en effet, de plus doux que les larmes de la charité?  La charité pleure, mais d’amour, non de tristesse; elle pleure de désir; elle pleure avec ceux qui pleurent. Je ne doute pas que cette pluie-là n’arrose largement les actes de votre obéissance, que je me félicite de vous voir accomplir sans les gâter par des murmures ou les assombrir de tristesse, mais dans la joie de l’âme. C’est un peu comme si vous portiez toujours des fleurs dans vos mains.

Si donc l’hiver est passé, si la pluie a cessé, si les fleurs se sont montrées sur notre terre, si enfin la température printanière de la grâce indique que le moment est venu de tailler nos vignes, qu’avons-nous à faire d’autre que de nous adonner tout entiers à un travail aussi nécessaire? Pour le faire quand il est nécessaire, il faut se faire sans cesse. Souvenez-vous donc que vous avez toujours besoin du secours et de la compassion de l’Epoux de l’Eglise, Notre Seigneur Jésus-Christ. 

Bernard de Clairvaux, Sur le Cantique des Cantiques – extrait, dans: Oeuvres mystiques (Seuil, 1951)

image: Abbaye cistercienne de Hauterive, Fribourg / Suisse (abbaye-hauterive.ch)

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