Une étreinte de feu – 85 / Augustin d’Hippone

Augustin d’Hippone

Vérité. Lumière de mon coeur. Ne laisse pas ma part obscure me parler. Je me suis dispersé là-bas. Je suis obscur. Mais là, même là, je T’ai aimé à la folie. Je me suis perdu et je me suis souvenu de Toi. J’ai entendu Ta voix derrière moi. Reviens. J’ai mal entendu à cause du vacarme d’une impossible paix. Maintenant, regarde, je reviens vers Ta source. En feu. Le souffle coupé. Personne pour m’en empêcher. Je vais la boire. Je vais en vivre. Je ne suis pas ma vie. Je vis mal de moi. J’ai été ma mort. En Toi je revis. Parle-moi. Explique-moi. J’ai cru Tes livres, les violents mystères de leurs paroles.

D’une voix forte, Seigneur, Tu as déjà dit à mon oreille intérieure que Tu es éternel. Le seul à avoir l’immortalité. Tu ne changes ni de forme ni de mouvement. Ta volonté ne varie pas en fonction du temps. Une volonté qui change n’est pas immortelle. Sous Ton regard, cette vérité est claire pour moi. De plus en plus claire. Je T’en supplie, sous Ta protection, je veux rester sur cette évidence.

Et d’une voix forte, Seigneur, Tu as dit aussi à mon oreille intérieure: toutes les natures et toutes les substances ne sont ce que tu es et pourtant elles sont. Tu les as faites. Seul n’est pas de Toi ce qui n’est pas… Sous Ton regard, cette vérité est claire pour moi. De plus en plus claire. Je T’en supplie, sous Ta protection, je veux rester sur cette évidence.

Et d’une voix forte, Tu as dit aussi à mon oreille intérieure: cette créature ne partage pas non plus Ton éternité. Tu es son seul plaisir. Elle s’abreuve à Toi, pureté ininterrompue, et jamais nulle part ne trahit la moindre inconstance. Pour elle, Tu es toujours présent. Elle tient à Toi de tout son amour. Pas de futur à attendre. Ni souvenir d’un passé traversé. Aucun changement, aucune dispersion temporelle.

Bonheur si elle existe, collée à Ton bonheur. Bonheur: Tu es Son hôte éternel, Son illumination. Et je ne trouve rien d’autre qui mériterait davantage selon moi l’appelation ciel de ciel du Seigneur que Ta maison qui contemple Tes plaisirs sans céder à la fuite vers un ailleurs. Pure intelligence. Unité harmonieuse. Paix stable des saints esprits, citoyens de Ta cité dans les cieux au-dessus de notre ciel.  

Saint Augustin, Les aveux / Les confessions (P.O.L, 2013)

image: Ary Scheffer, Saint Augustin et sainte Monique / 1854 (free-artworks.gatag.net)

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