Morceaux choisis – 610 / François Mauriac

François Mauriac

Il fait nuit au-dedans de moi, et c’est au secret de cette nuit que je L’ai retrouvé, non sans doute chaque fois que j’en ai eu le désir. Ce sont des moments de grâce. Peut-être même, comme Nicodème, n’y aura-t-il eu pour certains qu’une seule rencontre, qu’une seule nuit, mais qui aura décidé de toute leur vie. Pour rien au monde en tout cas je ne renoncerai plus à ce que j’ai vu, à ce que j’ai entendu, à ce que j’ai touché, ne serait-ce qu’une fois.

Que j’aime ce soupir du Seigneur: Le Fils de l’Homme est venu jeter le feu sur la terre, et que désirai-je sinon qu’il s’allume (Lc 12,49). Il brûle dans des paroles toujours brûlantes, et c’est comme le feu précisément qu’elles se transmettent, soit que le feu couve et rampe, et se communique par les racines et par la tourbe, soit que la flamme saute de pin à pin, de cime en cime, qu’elle dévore à la fois la tête et le coeur de l’arbre humain embrasé.

François Mauriac, Ce que je crois / extraits, dans: Oeuvres autobiographiques (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1990)

image: http://saltandlighttv.org

Print Friendly, PDF & Email

Auteur/autrice

Partager sur:

Dernières publications